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Écrit par Morgane Caillière publié le 01 septembre 2021
Politique du Logement d’Emmanuel Macron : le Bilan
SOMMAIRE
À un an des présidentielles, l’Institut Montaigne publie son analyse de la politique du logement menée par Emmanuel Macron et rend son verdict sur le bilan présidentiel.
Si le think tank néolibéral, qualifié de “boite à idée de la Macronie” par le journal Libération, salue les résultats « encourageants » de certaines réformes, il déplore néanmoins une « fragilisation du secteur » et retient « la difficulté à générer le choc d’offre souhaité » dans le logement neuf.
Restriction de la loi Pinel, réduction des APL, restriction indirecte du budget des bailleurs sociaux... Zoom sur une politique du logement, largement remise en question.
L’institut approuve :
... la bonne gestion du regroupement des organismes HLM ; une mesure phare de la loi ELAN. La note de Sophie Conrad, responsable du pôle politique, indique que la restructuration du secteur devrait aboutir en 2022.
Il félicite également le retour des investisseurs institutionnels dans la construction de logements locatifs, qu’il identifie comme un signe de retour de la rentabilité et une potentielle forte relance de l’offre.
Il regrette :
… que le “choc d’offre” prévu n’ait pas eu lieu :
Le nombre de nouveaux logements affiche une baisse préoccupante depuis le début du quinquennat, (500 000 permis de construire en 2017 contre 381 000 en 2020.) Sophie Conrad relève que «Le niveau de construction neuve est proche de ses plus bas niveaux depuis vingt ans, une situation que la crise sanitaire ne suffit pas à expliquer.»
… le manque d’offre de logements étudiants :
L’“incapacité à faire émerger l’offre” est particulièrement notable dans le parc immobilier étudiant. L’objectif de 80 000 nouvelles mises en service entre 2017 et 2022 sera réduit à 30 000, selon l’estimation de l’institut.
… l’accueil des hébergements d’urgence :
L’association estime que la crise sanitaire peut justifier un effort en matière d’hébergement d’urgence, mais s’interroge sur la croissance non maîtrisée du nombre de places ouvertes.
Rappel des promesses du candidat Macron
Dans une optique de confrontation directe des paroles et des actes, le rapport de l’Institut Montaigne liste les engagements du candidat Emmanuel Macron lors de sa campagne de 2017.
- Favoriser l’accès au logement pour les actifs mobiles et les jeunes avec la construction de 80 000 étudiants, 20 000 pour les jeunes actifs ;
- “tasser les prix” avec un “choc d’offre”, dans les zones où les besoins sont les plus importants ;
- poursuivre la production de logements sociaux à une cadence équivalente années précédentes ;
- rendre plus transparents, les modes d’attribution des logements sociaux ;
- créer 10 000 places en pension de famille en 5 ans et ouvrir un droit à la domiciliation pour les sans-domicile ;
- accélérer la rénovation thermique du parc immobilier, en rendant le Crédit d’impôt transition énergétique (CITE) en prime perceptible au moment des travaux (et non l’année suivante) ;
- débloquer 10 Mds€ pour la rénovation de 450 quartiers ;
- transférer les autorisations d’urbanisme des zones prioritaires, (permis de construire entre autres), à l’intercommunalité, la métropole ou l’État ;
- exonérer 4 Français sur 5 de la taxe d’habitation.
La baisse des APL : un “boulet” du quinquennat
Le Gouvernement a annoncé une baisse des aides personnelles au logement de 5 €/mois au 1er octobre 2017, suivie d’une réforme structurelle de leur mode de calcul. Une “mesure mal comprise et mal perçue” selon Sophie Conrad.
Qualifiée de “connerie sans nom” par le chef de l’État lui-même, la mesure avait suscité un tôlé chez les associations étudiantes qui l’accusaient de favoriser les riches. Lors d’un échange avec des étudiants à Amiens, Emmanuel Macron avait déclaré “Je sais, les cinq euros d'APL, je le traîne comme un boulet" tout en demandant aux étudiants présents de "le mettre au regard de... tout ce qui a été fait plus largement pour les étudiants", en rappelant la suppression de 217 euros de cotisation à la sécurité sociale étudiante.
En 2018, le Gouvernement revient encore sur les APL en imposant une baisse des loyers de solidarité (RLS), aux bailleurs sociaux en parallèle d’une réduction des APL de l’ordre de 90 à 98 % du montant de la baisse de loyer.
Enfin, à partir de 2021, le calcul des droits “en temps réel” des APL prévoit une révision trimestrielle sur les revenus des 12 derniers mois (année n-2 auparavant) : au 1er janvier pour les APL locatives et au 1er mai 2021 pour l’APL accession des opérations en stock.
Le calendrier des réformes
20 septembre 2017, le Gouvernement présente une stratégie du logement qui explore des thématiques classiques : construire plus, mieux et moins cher ; améliorer le cadre de vie ou encore : répondre aux besoins de chacun.
Le plan est suivi de mesures de réduction des aides au secteur du logement en septembre 2017 et dans la loi de finances pour 2018 :
- baisse de 1 Md€ de l’APL, compensée par une réduction des loyers (RLS), et suppression de l’APL accession ;
- augmentation de la TVA qui passe de 5,5 % à 10 % pour les logements sociaux ;
- suppression de la prime d’État pour les plans épargne logement ;
- exclusion du CITE des fenêtres, portes et volets, ainsi que des chaudières à fioul à partir de juin 2018 ;
- fort resserrement du prêt à taux 0 et du dispositif “Pinel” prolongés pour quatre ans : divisé par 2 en 2018 et 2019 ;
- exclusion à partir de 2020 du PTZ dans le neuf en zone C et B2 et du “Pinel” en zone B2 ;
- suppression en 2018 du PTZ avec travaux dans l’ancien dans les zones A et B1.
Loi de finances pour 2021 a prorogé jusqu’à fin 2022 le régime du PTZ dans son ensemble qui devait normalement se terminer fin 2021.
Le Pinel a été prorogé jusqu’en 2024 par cette même loi de finances.
La Loi Élan
Adoptée le 16 Octobre 2018, la loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) prévoit de faciliter la construction de logements neufs et de protéger les plus fragiles.
Ses mesures phares :
- Les promoteurs pourront construire 30 % de surface supplémentaire s’ils réaménagent des immeubles de bureau en logements ;
- les HLM devront céder 1 % de leur parc chaque année pour la création d’une société foncière, filiale d’Action logement. L’avis des maires sera supprimé ;
- l’obligation, pour les bailleurs sociaux, de concours d’architecture sera levée et le rôle des Architectes des Bâtiments de France sera réduit ;
- les organismes HLM devront se regrouper en entités de 12 000 logements minimum. L’accès aux aides octroyées par la Caisse des dépôts ne sera désormais possible qu’à cette condition ;
- la création d’un bail “mobilité” exonère les locataires du dépôt de garantie dans le cas d’une location de meublé pour un bail de 1 à 10 mois.
Les orientations d’Action Logement
Un plan destiné à conforter l’attractivité des villes moyennes débouche en décembre 2017 sur la signature d’une convention entre l’État et Action logement. Elle prévoit une enveloppe de 1,5 Md€ à destination du plan “action cœur de ville”. Une enveloppe de 10 Milliards d’Euros pour la rénovation urbaine a également été prévue.
Le Gouvernement élargit également le périmètre d’intervention du Groupe, pour accélérer la production de logements abordables, répondre aux nouveaux besoins générés par la crise et soutenir les ménages à faibles revenus.
Il est décidé d’accentuer l’aide à la rénovation urbaine pour les quartiers prioritaires de la ville suivant différents axes :
- le versement d’une aide de 10 000 € pour 20 000 salariés accédant à la propriété d’un appartement neuf (sous conditions de ressources) ;
- 1,4 Md€ supplémentaires pour les opérations de rénovation portées par l’ANRU dans les quartiers prioritaires, portant le montant du NPNRU de 10 à 12 Mds€ ;
- une enveloppe de 1,17 Md€ de soutien supplémentaire à la production de 250 000 logements sociaux et abordables en 2 ans ;
- la poursuite du versement de l’aide à la prévention des loyers impayés.
L’organisme prévoit par ailleurs, un élargissement de l’aide mobilité de 1 000 € aux moins de 25 ans locataires, gagnant entre 0,3 et 1,1 SMIC lors d’un premier emploi ainsi que l’élargissement de la garantie Visale aux salariés du privé et au milieu agricole pour les personnes de plus de 30 ans, rémunérés moins de 1 500 euros nets/mois.
Quel bilan pour le quinquennat Macron ?
La principale difficulté rencontrée par le gouvernement est liée au décalage entre la stratégie présentée et les mesures prises. Alors que rien ne le laissait prévoir dans le programme du candidat, le président de la République a décidé, à marche forcée, de faire des coupes budgétaires dans le secteur du logement, se concentrant en particulier sur le logement social et l’accession sociale à la propriété. Ceci a provoqué une crise importante, car la réduction du budget 2018, aboutit à un système instable, qui présente le risque d’écarter les plus modestes de l’accès au logement.
Sophie Conrad, responsable du pôle politique à l’Institut Montaigne
En matière de construction de logements : entre 2018 et 2020, le nombre de permis de construire a baissé continuellement : plus de 170 000 logements en moins, en 4 ans.
En 2020, le nombre de mises en chantier affiche un repli de 7 % par rapport à 2019.
Le rapport de l’Institut Montaigne explique ce ralentissement par l’intervention des différentes restrictions budgétaires : prélèvements sur les budgets d’investissements des organismes HLM, suppression de l’aide aux maires bâtisseurs, de l’aide à l’accession, restriction du PTZ. L’institut évoque également la crise économique générée par la crise sanitaire ainsi que le calendrier des élections municipales 2020, comme causes possibles de ce bilan.
En matière de logement social, le think tank remarque le ralentissement de la production de logements dans le parc locatif. Les bailleurs sociaux qui n’ont pas été consultés, ont mal vécu cette restriction budgétaire qui s’est directement répercutée sur leur capacité de production.
« On a demandé aux organismes de logement social de compenser cette baisse des APL. Cela s’est traduit par une réduction équivalente des loyers de solidarité. Il y a donc eu une baisse des ressources des organismes HLM qui a réduit leurs capacités d’investissement. »
Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat
L’institut conclut sur le constat que quelques chantiers de taille, restent à mettre en œuvre, en priorité une réduction des coûts du logement et préconise une lutte “contre l’inflation réglementaire qui crée une hausse des prix et une difficulté à construire”.